L’auto-immolation sur la Place Tian’anmen
Le lendemain matin, pour rassurer notre sécurité, Liu Yunfang et moi avons demandé au reste de ne pas sortir trop fréquemment. Puis, nous avons appelé Liu Xiuqin au téléphone public pour prendre un rendez-vous avec elle. Le rendez-vous a été fixé à 7 heures du soir à l’entrée de la Société de Fer et d’Acier de la Capitale qui se trouvait à la ville ancienne.
Ensuite, nous sommes allés à l’Usine de vernis de couleur pour acheter des sacs plastiques hydrofuges (qui servaient à conserver les calligraphies et peintures) de 40 mètres de long pour y mettre l’essence destinée à l’auto-immolation. Comme il était encore t?t, nous avons pris une promenade dans la rue. A 5 heures de l’après-midi, nous sommes arrivés à la ville ancienne et avons pris le d?ner chez M Donald. A 7 heures, nous avons rencontré Liu Xiuqin. Cette fois-ci, elle nous a emmenés dans un restaurant où deux hommes et une femme nous attendaient. Nous étions alors six. La femme en ?ge moyen n’a rien dit pendant le rendez-vous. Comme les trois pratiquants n’étaient pas au même niveau que Liu Xiuqin, j’ai fait signe à Liu Xiuqin et à Liu Yunfang de mettre fin à la conversation. Sur l’invitation de Liu Xiuqin, Liu Yunfang et moi sommes allés chez elle. Là, nous avons révélé notre plan à Liu Xiuqin. Bien choquée, elle a éprouvé de l’admiration pour nous. Et elle a eu honte de ne pas oser y participer. En admirant notre haut niveau, elle a décidé de faire tout son possible pour nous aider.
Comme nous ne connaissions pas bien l’environnement du logement où nous habitions, nous n’osions pas remplir les sacs plastiques d’essence là. J’ai donc demandé à Liu Xiuqin de louer un lieu de s?reté pour nous. Mais elle a dit qu’il était difficile de trouver un tel endroit. Enfin, elle nous a emprunté son propre logement. Nous avons été touchés par son dévouement. Pour nous, elle a fait preuve de son haut niveau.
Après le retour à notre logement, Liu Yunfang m’a demandé plusieurs fois d’aller acheter de l’essence en avance. Mais je pensais qu’il était dangereux d’en acheter en avance. Je l’ai rassuré en lui promettant d’accomplir cette t?che à temps.
Le matin du 22 janvier, Liu Yunfang et moi, nous avons acheté quatre seaux plastiques d’une capacité de dix litres, et un tuyau de machine à laver qui servirait à tirer de l’essence des seaux. Nous avons loué une voiture et avons demandé au chauffeur de nous conduire à une station d’essence. Avec quatre seaux d’essence, nous avons changé de voiture à mi-chemin pour éviter d’inspirer des soup?ons. Vers 10 heures du matin, nous sommes arrivés chez Liu Xiuqin. Là, nous y avons rempli les sacs plastiques d’essence. De peur que l’essence suinte, on a utilisé trois couches de sacs plastiques. Une fois remplis, les sacs ont été déposés sur la terre avec une feuille plastique dessous et une toile dessus. Comme le mari de Liu Xiuqin n’en était pas au courant, nous l’avons fait prudemment pour chasser l’odeur d’essence. Liu Xiuqin a même br?lé de l’encens à la maison.
Ce jour-là, Liu Xiuqin a demandé un jour de congé. Ayant peur que Liu Xiuqin participe à des activités de Falun Gong, son supérieur a téléphoné deux fois pour lui demander ce qu’elle faisait à la maison. Liu Xiuqin a cherché des faux-fuyants.
Le lendemain, le 23 janvier 2001, soit la veille du Nouvel An chinois, nous sept nous sommes levés très t?t. Après le petit-déjeuner, nous avons loué une voiture pour aller chez Liu Xiuqin. Uns fois entrés dans sa maison, elle nous a dit que de l’essence avait suinté, ce qui avait produit une odeur forte. On a proposé de remplacer les sacs plastiques par des bouteilles de boisson. Mais j’ai insisté pour utiliser des sacs, car ce ne serait pas évident si l’on mettait des sacs sur soi. Si l’on mettait des bouteilles sur soi, on susciterait des soup?ons. Donc j’ai décidé d’aller acheter encore des sacs. Sur la route, je me suis demandé comment entrer à la Place Tian’anmen sans attirer l’attention des policiers et des policiers en civil vigilants. Soudain, j’ai pensé au jouet mobile. Je suis allé à beaucoup de magasins pour enfin acheter deux jouets mobiles dans un marché près de chez Liu Xiuqin. Ces jouets mobiles co?tés à 90 yuan avaient les fonctions de montre électronique et de calculatrice.
Vers 1 heure de l’après-midi, je suis retourné à la maison de Liu Xiuqin. Comme ils étaient impatients de m’attendre, ils avaient décidé d’utiliser des bouteilles. Ils avaient rempli une bo?te de bouteilles préparées par Liu Xiuqin d’essence. Quand je suis entré, ils étaient en train d’attacher des bouteilles sur eux. Le reste de bouteilles ont été mises dans des sacs à dos. Liu Yunfang et moi, nous avons suspendu des bouteilles au cou avec des cordes de nylon, et puis nous avons fixé les bouteilles sous nos bras avec de l’adhésif. Après nous être habillés, nous nous sommes regardés pour nous rassurer. Et nous avons mis chacun deux lames et deux briquets sur nous. Enfin, nous avons sorti tout l’argent restant sur nous, environ 6000 yuan. On a demandé à Liu Xiuqin de transmettre 1000 yuan au jeune homme qui nous avait aidés et de dépenser le reste en développement du Falun Gong à Beijing. Liu Xiuqin a proposé d’envoyer le reste de l’argent à nos parents, mais nous l’avons refusé, car les n?tres n’étaient pas au courant de notre plan.
Vers 1 heure de l’après-midi, nous sommes partis en voiture par groupe pour éviter d’attirer l’attention. Comme il prenait environ 1 heure pour aller à la place, nous avons décidé de commencer à agir respectivement vers 2 heure et demie.
Le premier groupe, c’est-à-dire Hao Huijun, Chen Guo, Liu Chunling et Liu Siying, sont parties en taxi tout de suite. En regardant la vue de dos de Chen Guo et celle de Liu Siying, j’ai éprouvé un sentiment complexe. Je me suis dit:“ Hélas, on se résigne à son sort! Elles vont accomplir une grande t?che comme nous, mais quand même elles sont trop jeunes.”
Plus tard, Liu Yunfang, Liu Baorong et moi, nous avons pris un taxi pour aller aussi à la Place Tian’anmen. Sur la route, j’ai bavardé avec le chauffeur. Je voulais aussi parler avec Liu Yunfang, mais il restait silencieux. Il me semblait qu’il était très nerveux, alors que moi, je me sentais calme. J’ai demandé au chauffeur d’arrêter la voiture à la porte du sud du Palais de l’Assemblée Populaire Nationale. Une fois descendus du taxi, Liu Yunfang et Liu Baorong se sont dirigés vers la place. Après avoir payé le taxi, je me suis aussi dirigé vers la place. Je les ai vus conduire leurs pas vers la porte de l’ouest du Mausolée de Mao Zedong. Ayant peur d’être découverts, ils ont voulu suivre la foule pour entrer dans le mausolée avant d’entrer à la place. Mais on ne leur a pas permis d’y entrer. Enfin, ils ont été obligés d’entrer directement à la place.
En lisant un journal, je suis entré à la place par l’entrée de l’ouest. Il était déjà 2 heures et demie de l’après-midi. J’ai fait un tour près du monument commémoratif pour voir si les quatre pratiquantes étaient là. J’ai rencontré Liu Yunfang et Liu Baorong à l’ouest du monument commémoratif. J’ai demandé à Liu Yunfang s’il avait vu les quatre autres personnes. Très nerveux, Liu Yunfang ne m’a rien répondu. Il s’est dirigé directement vers le nord comme s’il ne m’avait pas vu. Je me suis demandé alors si Liu Yunfang pourrait réussir le plan. Je m’en doutais fort. Mais en pensant que le corps de la loi du ma?tre se trouvait partout et que rien n’échappait aux yeux du ma?tre, je ne m’en souciais plus. De toute fa?on, je devrais réussir.
Quand je suis arrivé au nord-est du monument commémoratif, quatre policiers en civil ont dirigé leurs pas c?te à c?te vers moi tout en me regardant fixement. Pour moi, il était l’heure d’entrer en action. J’ai tout de suite coupé les bouteilles avec une lame, et puis j’ai sorti le briquet. Les policiers ont accéléré le pas. En me voyant prendre un briquet à la main, ils ont été stupéfaits.
Lorsqu’ils étaient à dix pas de moi, j’ai allumé un feu. En un rien de temps, le feu m’a dévoré. J’avais des difficultés à respirer. Comme je n’ai pas eu le temps de m’asseoir les jambes croisées et repliées, je me suis contenté de faire des gestes du Falun Gong assis. Dans le grand bruit de l’air, je me sentais étouffé. Je me suis dit que j’allais atteindre mon but.
A ce moment-là, les policiers ont mis un objet que je ne connaissais pas (Après avoir vu le vidéo de reportage sur l’incident de l’auto-immolation, je me suis rendu compte que c’était un tapis extincteur) sur moi pour éteindre le feu. J’ai donné des coups de pied aux policiers pour les empêcher. Peu après, on a éteint le feu avec un appareil extincteur. J’ai été bien dé?u. Je me suis mis debout en criant: “ La vérité, la bienveillance et l’endurance sont les grandes lois de l’univers que tout le monde doit respecter. Notre ma?tre est le plus grand Bouddha de l’univers.” J’ai répété la même parole. Soudain, quelqu’un a crié: “ Là aussi, au feu!” Un policier est resté pour me surveiller, alors que le reste ont couru vers les autres pratiquants en feu. J’ai continué à crier le slogan. Environ 10 minutes plus tard, on m’a envoyé en voiture dans un h?pital. Mais cet h?pital a dit n’être pas capable de me traiter et a recommandé l’H?pital de Jishuitan. Les policiers m’ont demandé de me coucher sur le brancard, mais j’ai refusé. Après que je suis monté dans la voiture moi-même, la voiture de police a roulé à toute vitesse vers l’H?pital de Jishuitan.
A l’h?pital, reposant sur un lit dans la salle d’urgence, j’étais calme et ne regrettais rien. Un instant plus tard, on a fait entrer Chen Guo. Elle se couchait à c?té de moi et restait silencieuse. Je me suis penché pour la regarder. Son image d’autrefois m’est revenu à l’esprit. J’ai eu des sentiments contraires. Puis, on a fait entrer Liu Siying et Hao Huijun. Nous quatre nous couchions dans la même salle en silence. Je n’ai pas vu Liu Chunling, Liu Yunfang et Liu Baorong. J’imaginais que Liu Chunling était probablement au bord de la mort. Quant à Liu Yunfang et Liu Baorong, il était probable qu’ils n’avaient pas allumé le feu. En fait, mon intuition était bonne.
Pourtant, je n’avais aucun ressentiment à l’égard de Liu Yunfang, car chacun son choix. Moi, j’étais fier de mon courage.
Après l’incident du 23 janvier, Zhang Erping, le porte-parole de l’organisation du Falun Gong aux Etats-Unis, a refusé publiquement de nous reconna?tre pour des adeptes du Falun Gong. Au contraire, il nous a pris pour des démons qui avaient détruit la “Grande Loi”. A cette nouvelle, j’étais calme, car je pensais que c’était une épreuve donnée par le ma?tre. En fait, nous, des gens ordinaires, si nous n’avions pas été trompés par le mensonge fantastique de Li Hongzhi, nous n’aurions pas osé nous immoler et braver la loi.
A travers le reportage sur l’incident de l’auto-immolation diffusé par CCTV, j’ai pris connaissance que le siège du Falun Gong aux Etats-Unis avait ordonné à des adeptes de Zhenzhou de faire une enquête sur nous, ce qui m’a bien étonné. Puisque Li Hongzhi prétendait être le plus grand Bouddha de l’univers, il devait tout conna?tre et être capable de tout. N’a-t-il pas dit que son corps de la loi se trouvait partout? Alors pourquoi il a ordonné à des gens d’aller faire une enquête sur nous à Kaifeng?
Le 20 juillet 2001, un journaliste de CCTV m’a dit ironiquement: “ Avant l’interview, je vous dis d’abord une bonne nouvelle. Après avoir fait des enquêtes par tous les moyens possibles, votre ma?tre vous a enfin reconnus pour des adeptes du Falun Gong. Mais d’après lui, vous êtes des adeptes qui avaient suivi une fausse route. ”
N’a Li Hongzhi pas dit qu’on ne commettrais jamais de fautes si l’on pratiquait le Falun Gong, car son “corps de la loi” et la “roue de la loi” protégeaient les adeptes? N’a-t-il pas déclaré qu’il était en sécurité de pratiquer le Falun Gong? Alors comment expliquer les 1700 cas de suicide, d’autotomie, et d’homicide dans lesquels les pratiquants du Falun Gong ont refusé les médicaments, se sont coupé une artère et se sont jetés dans une rivière?
Au début, je croyais que tout cela n’était que des histoires inventées par le gouvernement. Mais face à un grand nombre de faits, j’étais choqué. Je ne pouvais plus nier la réalité. Je me demandais si la poursuite d’autrefois était correcte. Enfin, j’étais obligé d’examiner de nouveau le passé.