L’interview
Pendant une longue période après l’incident de l’auto-immolation, j’étais toujours obsédé par le Falun Gong. Pourtant, le feu sur la Place Tian’anmen m’a poussé dans un état complexe. En effet, mon ?me attendait de commercer une nouvelle vie.
Le 30 janvier 2001, j’ai été transféré à la section des prisonniers malades de l’H?pital de la Sécurité Publique de Beijing. J’habitais seul dans une chambre de malade qui avait quatre lits. C’était pour éviter l’infection qu’on m’a accordé un traitement isolé. Deux fois d’uviothérapie par jour, j’étais soigné par le meilleur chirurgien de l’h?pital.
Le médecin Yang Mo, ?gé de 30 ans, d’une taille de plus de 1,8 mètres, était gracieux et aimable. Chaque fois qu’il venait me voir, il gardait toujours un sourire. De peur que j’aie mal, il examinait et traitait mes br?lures avec prudence. Quelques fois, j’étais ému aux larmes. Chaque fois que je lui disais des mots de gratitude, il me répondais toujours: “ C’est ce que je dois faire.”
En fait, tous les médecins et infirmières de la section des prisonniers malades étaient gentils. Les prisonniers malades ici étaient de tout genre et étaient venus de différentes prisons. Les médecins et infirmières les traitaient comme leurs proches. Avec une dépense de nourriture de 400 à 500 yuan par mois pour une personne, nos repas étaient bons. Si certains prisonniers malades avaient faim à minuit, les infirmières de garde leur achetaient quelque chose à manger à leurs propres frais. Tout cela se passait sous mes yeux, sinon, je n’y croirais pas. J’étais vraiment ému par leurs nobles comportements.
Moi, je faisais l’objet de soins particuliers. De peur que j’aie froid, le médecin Yang Mo a demandé à ses supérieurs de m’acheter un chauffage électrique. De plus, on m’a acheté spécialement du jus de fruit pour que je me rétablissent le plus vite possible. J’en étais très reconnaissant.
CCTV m’a interviewé pour la première fois dans l’H?pital de Jishuitan, mais je restais silencieux pendant l’interview. Le 2 février 2001, CCTV avait l’intention de m’interviewer encore une fois. Les supérieurs de l’h?pital se sont informés de mon état physique avant de me demander si j’accepterais l’interview. Je l’ai accepté volontiers. On m’a demandé de parler librement dans l’interview, j’ai été d’accord.
Le journaliste a demandé: “Pourquoi vous vous êtes immolés sur la Place Tian’anmen?”
J’ai répondu: “Le Falun Gong est juste, mais le gouvernement le considère comme une secte hérétique. Comme un adepte du Falun Gong, je prends la “Grande Loi” plus importante que ma vie. Je suis donc prêt à consacrer ma vie pour la défendre. Si nous nous sommes immolés sur la Place Tian’anmen, c’était juste pour protester contre le gouvernement. L’auto-immolation était simplement la forme supérieure pour justifier le Falun Gong.”
Le journaliste a demandé: “Liu Siying n’a que 12 ans, ne croyez-vous pas que c’est trop cruel?”
Cette question a piqué mon c?ur, mais quand même, j’ai donné une réponse qui correspondait avec mon statut d’adepte.
J’ai répondu: “Avant de venir à Beijng, j’ai essayé plusieurs fois d’empêcher Liu Siying et sa mère d’y participer. Je les ai rencontrées dans le train, il était déjà trop tard. En outre, comme le ma?tre a dit, chacun son destin. C’était probablement la volonté du Ciel. Je n’avais pas de raison de les empêcher de consacrer leur vie au Falun Gong.”
Le journaliste a demandé: “Liu Yunfang ne s’est pas immolé, qu’en pensez-vous?”
J’ai répondu: “Nous avons participé à l’auto-immolation de notre propre mouvement. Personne ne nous a forcés de le faire. Seuls les pratiquants de haut niveau sont capables de faire ce choix. Chacun a son ambition. Alors je ne fais pas de commentaire.”
Le journaliste a demandé: “Vous avez pensé à parvenir à la plénitude parfaite. Avez-vous pensé aux conséquences sur votre famille?”
J’ai répondu: “Selon le ma?tre, la pratique est un processus où on abandonne tous les attachements (y compris l’attachement au corps humain). L’attachement à la plénitude parfaite est aussi un attachement. Tout est vide dans le monde humain. Il suffit de pratiquer la “Grande Loi” pour atteindre la plénitude parfaite. Je n’ai fait que suivre les instructions du ma?tre... Je dois avouer que je n’ai pas encore réussi à abandonner tous les attachements, mais je fais toujours des efforts pour y arriver. Comment est-ce possible que je ne pense pas à ma famille? Je prends ma famille pour un obstacle dans ma pratique. Depuis l’antiquité, seuls les gens qui arrivent à abandonner tous les attachements humains peuvent avoir de grands succès. Au moment de l’auto-immolation, je suis parvenu à rester calme, j’en suis fier.”
Le journaliste a demandé: “Est-ce que vous regrettez maintenant? Etant complètement défiguré, comment vous ferez face à votre famille et au public?”
J’ai répondu: “Je ne regretterai jamais. Avant de venir à Beijing, j’avais déjà pensé aux conséquences de l’auto-immolation. J’étais tout à fait prêt. Comme je l’ai dit à un certain pratiquant, je serais peut-être mort. Et il serait aussi possible que je serais sauvé, car il y avait des policiers en civil partout sur la place et des appareils extincteurs dans les voitures de police en service. Comme un chauffeur expérimenté, je savais bien que tous les véhicules à moteur étaient équipés d’appareils extincteurs. Si j’étais sauvé, je serais un grand br?lé. Comment faire face à ma famille et au public? Je m’en fiche. Ce qui compte, c’est que j’ai bien suivi les instructions du ma?tre, et que je suis parvenu à consacrer ma vie au Falun Gong.”
Quelques jours après l’interview, une autre cha?ne de télévision m’a aussi interviewé. Avant de commencer l’interview, ils se sont informés de ma santé, de mes exigences et de mes avis sur le traitement. Dans l’interview, ils m’ont posé des questions semblables à celles de l’interview précédent. De plus, ils m’ont fait part d’une chose qui les avait à la fois intéressés et laissés perplexes.
Le journaliste a demandé: “Vous avez consacré votre vie au Falun Gong, et vous vous trouvez maintenant dans une telle situation misérable. Mais l’organisation du Falun Gong aux Etats-Unis a déclaré publiquement que vous n’étiez pas des adeptes du Falun Gong, mais des démons. Qu’en pensez-vous?”
J’ai répondu: “Je suis bel et bien un adepte du Falun Gong, et j’ai suivi les instructions du ma?tre. Le ma?tre nous demande toujours de nous porter en avant pour défendre la loi. Je l’ai fait par la forme supérieure. Est-ce que j’ai eu tort? Je connais bien ce que j’ai fait. L’organisation du Falun Gong a refusé de nous reconna?tre pour ses adeptes, je prends cela pour une épreuve. C’est une épreuve pour tous les adeptes du Falun Gong. Ce n’est rien.” A la fin, le journaliste m’a souhaité un bon rétablissement. Je l’ai remercié.
Fin mars, la famille me manquait de plus en plus. Je pensais à ma mère ?gée de plus de 70 ans, à ma fille et à mes frères et s?urs. Quel malheur pour eux! J’avais porté un coup fort à ma mère, je me demandais si elle pourrait le supporter. Mes frères et s?urs aussi, je les ai blessés. J’ai même suscité des embarras au petit ami de ma fille. En pensant à tout cela, j’éprouvais des remords et j’étais triste. Mais j’essayais de ma?triser mes émotions en me disant que tout ?a n’était qu’une épreuve pour moi.
Le 3 avril, deux journalistes de la cha?ne de télévision du Henan m’ont interviewé. Ils étaient très aimables. Comme ils venaient d’interviewer ma femme et ma fille au Henan, ils m’ont fait part de leurs nouvelles.
Les journalistes ont demandé: “Est-ce que vos parents vous manquent?”
J’ai répondu: “Ils me manquent beaucoup, je voudrais bien savoir s’ils vont bien.”
Les journalistes ont dit: “A travers l’interview de vos parents et de vos collègues, nous avons appris que vous étiez à la fois un fils pieux et un bon grand frère. Vos supérieurs et vos collègues ont dit tous du bien de vous. D’après eux, le 31 décembre 1992, vous avez sauvé un homme, une femme et deux enfants ?gés de 4 à 5 ans de la noyade dans un étang gelé au Parc de la Tour en Fer. Vous êtes un homme de bien, vraiment un homme de bien.” Il me semblait qu’ils étaient bien désolés pour moi.
J’ai dit: “Quoi que je fasse, il m'est impossible de payer de retour mes parents. Je ne mérite pas le nom de fils pieux. Je regrette beaucoup de ne pas avoir pu donner une vie heureuse à ma mère. Comme mon père était mort quand j’étais petit, la vie était très difficile pour ma famille. Les mariages de mes frères et s?urs cadets étaient très simples, j’étais vraiment désolé. Mes supérieurs et mes collègues avaient de la compassion pour moi, c’est pourquoi ils ont dit du bien de moi. Merci à mes supérieurs et à mes collègues. Je m’efforcerai de devenir un homme de bien. Merci à vous.”
Les journalistes ont demandé: “Si votre femme et votre fille allaient aussi s’immoler sur la place, et qu’elles vous demandaient de les aider car elles n’avaient pas le courage d’allumer le feu, comment faire?”
J’ai répondu: “Celui qui n’atteint pas un haut niveau n’arrive pas à le faire. On le fait volontiers. Si elles n’ont pas le courage de le faire, tant pis pour elles! Il m’est impossible de les aider.”
Les journalistes ont ajouté: “Nous avons rendu visite à votre femme et à votre fille dans une maison de correction à Zhenzhou. Vous leur manquiez beaucoup. Elles vous ont espéré un bon rétablissement. Votre femme He Haihua est bienveillante, vous devrez la chérir après que vous serez sorti de prison. Actuellement, votre fille partage une chambre avec sa mère.” Ces mots m’ont consolé.
Et puis, le photographe m’a dit d’un ton doux: “Votre fille parle bien le japonais. Elle étudie par elle-même. Parlez-vous le japonais?” J’ai dit non. Il a continué: “Je lui ai demandé si elle avait quelque chose à vous dire en japonais. Elle a dit: Papa, vous me manquez beaucoup. Votre femme et votre fille espéraient recevoir votre message. Qu’est-ce que vous voulez leur dire?”
En entendant cela, je ne pouvais plus contr?ler mes émotions. Des larmes ont jailli de mes yeux. Pendant un instant, je ne pouvais pas prononcer un seul mot. Ils ne m’ont pas pressé de parler. Le caméra continuait de fonctionner. Enfin, j’ai dit: “Je n’ai rien à leur dire. En effet, nos c?urs battent à l'unisson.”
Les deux journalistes m’ont dit d’un ton doux: “ Ne vous inquiétez pas. Dites quelque chose. Elles nous ont priés de leur envoyer votre enregistrement.”
Touché par leurs paroles sincères, j’ai dit en pleurant: “J’espère que vous pourrez retourner à la maison le plus t?t possible. Je suis désolé.”
D’après les journalistes, ma fille se marierait après qu’elle aurait sorti de la maison de correction. Bien content, j’ai ajouté: “Je suis désolé de ne pas pouvoir arranger le mariage pour vous. Les conditions de vie de notre famille ne sont pas bonnes, j’en suis honteux. Vous avez beaucoup perdu à cause de moi. Je vous rembourserai dans le futur. Mes meilleurs v?ux pour vous. Après ma sortie de prison, on continuera de pratiquer le Falun Gong ensemble.”
J’étais bien heureux d’apprendre les nouvelles de ma famille. A la fin de l’interview, j’ai remercié les journalistes pour leur attention. Après leur départ, j’ai éprouvé une si vive émotion que j’ai mis longtemps avant de me calmer. Je me suis demandé: “Je suis déjà arrivé à un tel niveau que je reste calme devant la mort. Mais pourquoi je n’arrive pas à me calmer maintenant?”
J’ai crié dans le c?ur: “Ma?tre, est-ce que j’ai eu tort? Les soutras téléchargés du site internet nous ont demandé de nous porter en avant. Moi, je me suis porté en avant pour défendre la “Grande Loi” au risque de la vie. Non, non, je n’ai pas eu tort. Tout cela n’est qu’une épreuve.” Cette conviction m’a donné du courage.